Déterminer le prix de cession d’une société en redressement ou liquidation judiciaire : mode d’emploi
Déterminer le prix de cession d’une entreprise en difficulté est un exercice délicat. Contrairement aux cessions d’entreprises in bonis (hors le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire), la reprise dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire obéit à des règles spécifiques et dérogatoires au droit commun.
En conséquence, les mécanismes traditionnels de valorisation ne s’appliquent pas à ces cessions. Le prix ne résulte ni d’une libre négociation entre les parties, ni d’une valorisation fondée sur la rentabilité de la société, mais s’inscrit dans un cadre encadré par le Tribunal ou le Juge-commissaire.
Comment déterminer un prix juste et pertinent dans ce contexte ? Quels critères sont retenus par les juridictions ? Quels éléments valorisent une offre ? Éléments de réponse.
1. Les critères d’évaluation du prix selon la procédure
En redressement judiciaire :
Le Tribunal arrête le plan de cession en tenant compte de trois critères principaux, fixés par l’article L. 642-1 du Code de commerce :
Le maintien de l’activité,
La préservation des emplois, et
Le désintéressement des créanciers.
À noter : Le prix n’est qu’un élément parmi d’autres. Il ne doit pas nécessairement couvrir l’ensemble du passif. Il sert surtout à apprécier la crédibilité de l’offre.
Le Tribunal évalue également :
La solidité financière du repreneur,
La cohérence du projet économique,
Les investissements projetés pour assurer la pérennité de l’activité,
Les engagements pris en matière sociale.
En liquidation judiciaire :
Dans ce cas, le Juge-commissaire autorise la cession de gré à gré des actifs ou du fonds de commerce. Son objectif est avant tout de maximiser le désintéressement des créanciers.
Contrairement à la procédure de redressement judiciaire, les critères du maintien de l'activité et du maintien des emplois sont en principe inopérants dans la mesure où l’activité a cessé et les contrats de travail ont été rompus par le Liquidateur, sauf poursuite exceptionnelle de l'activité.
2. Comment construire un prix de cession pertinent ?
En redressement judiciaire :
En pratique, la détermination du prix dépend de plusieurs facteurs :
- La situation économique de l’entreprise (dette, rentabilité, perspectives d’activité).
- La valeur des actifs repris : L’évaluation des actifs peut s’appuyer sur différentes méthodes (valeur patrimoniale, rendement, marché, etc.), mais ces méthodes doivent être adaptées à la situation spécifique d’une entreprise en difficulté. L’incertitude sur les actifs et le contexte économique justifient souvent un prix inférieur à la valeur théorique des biens repris.
- La concurrence entre les repreneurs (plus de candidats se montrent intéressés, plus il va y avoir une sorte d’enchère entre les différents offrants).
- Les engagements de maintien de l’emploi et de poursuite de l’activité : Les engagements en matière de maintien d’activité et d’emplois peuvent être considérés comme des contreparties au prix de cession et conduire à une minoration du montant du prix. Ils sont pris en compte lors du choix de l’offre par le Tribunal.
- Les autres engagements financiers proposés par le candidat repreneur : C’est ce qu’on appelle les charges augmentatives du prix. Par exemple, un apport financier dans le cadre de la reprise permettant la reprise de l’activité ou le financement de son besoin en fond de roulement.
Il n’existe donc pas de méthode légale pour fixer le prix de cession en cas de procédure collective. Le prix est le résultat d’une opération globale prenant en compte le chiffre d’affaires repris, la valeur vénale des actifs, les engagements du repreneur et le contexte concurrentiel.
Le prix doit ainsi refléter :
- La valeur réelle des actifs repris (fonds de commerce, immobilier, matériel, stocks, marques, contrats, etc.).
- La situation financière dégradée de la société (bilan négatif, passif, absence de trésorerie).
- Le risque encouru par le repreneur (reprise partielle d’activité, incertitude sur la clientèle, coût social de la reprise).
- Le coût de redémarrage : investissements nécessaires, remise aux normes, réassort, etc.
En liquidation judiciaire :
La logique est différente : on ne reprend pas l’entreprise, mais uniquement des actifs isolés (fonds de commerce, actifs incorporels (marques, logiciel, fichier client, droit au bail commercial), actifs corporels).
Le prix est en principe plus bas, car :
l’activité est arrêtée,
les contrats clients ne sont pas transférés,
le coût de la relance de l’activité (investissements lourds à prévoir),
les actifs peuvent avoir perdu de la valeur faute d’entretien ou d’exploitation.
3. Nos conseils pratiques
À éviter absolument : Les offres symboliques ou manifestement dérisoires, sans projet sérieux, seront systématiquement écartées.
À faire :
- Justifier le montant du prix dans l’offre de reprise par la situation financière de la société, la consistance de ses actifs, le montant de ses dettes et les investissements nécessaires à la poursuite de l’activité.
- Mettre en avant, dans le dossier de reprise, les engagements complémentaires pris par l’acquéreur (reprise de passif, maintien ou création d’emplois, apports en fonds propres, etc.), qui constituent des contreparties substantielles à la cession.
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