Dirigeant : Quelles sanctions je risque en cas d'ouverture d'une procédure collective ?


A quel moment des sanctions peuvent-elles être prononcées ?

Lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’une société, les dirigeants sociaux peuvent s’exposer à plusieurs types de sanctions, qui peuvent être de nature patrimoniale, personnelle ou pénale.

Toutefois, ces sanctions peuvent être prononcées exclusivement dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, et non pas à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Les différents types de sanctions

1. Sanctions patrimoniales : L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

Le Tribunal peut condamner les dirigeants à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la société, à condition que cette insuffisance soit au moins partiellement imputable à une « faute de gestion » de leur part (Article L.651-2 du Code de commerce).

Comment se définit l'insuffisance d'actif ?

L’insuffisance d’actif correspond à la différence entre le montant du passif total (dettes nées avant le jugement d’ouverture, y compris celles révélées postérieurement) et celui de l’actif total (réalisé ou réalisable) de la société.

Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale révèle une insuffisance d'actif et si celle-ci est au moins partiellement imputable à une faute de gestion, le Tribunal peut faire supporter tout ou partie des dettes sociales par les dirigeants, de droit ou de fait, convaincus d'avoir contribué à cette faute.

L’insuffisance d’actif doit être établie au moment où le juge statue sur l’action en responsabilité contre les dirigeants, et non à la date de la cessation des paiements ou de l’ouverture de la procédure collective.

La responsabilité pour insuffisance d’actif ou la faillite personnelle du dirigeant peut être engagée lorsqu’il a commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la personne morale.

Comment se définit la faute de gestion ?

La « faute de gestion » s’entend de façon large et recouvre l’ensemble des fautes pouvant être commises par les dirigeants : infractions, omissions, abstentions, manquements à l’intérêt social, imprudences, négligences, etc.

 

Exemples de fautes de gestion retenues par la jurisprudence :

  • Ommission ou retard dans la déclaration de cessation des paiements ;
  • Tenue défectueuse ou absence de comptabilité ;
  • Poursuite abusive d'une activité déficitaire ;
  • Détournement ou dissimulation d'actifs ;
  • Distribution irrégulière ou injustifiée de dividendes ;
  • Octroi à soi-même d'une rémunération excessive ou abusive ;
  • Non-recouvrement volontaire de créances ou dissipation d'actifs ;
  • Défaillance dans la surveillance des autres dirigeants ou salariés ayant permis des détournements ou des irrégularités ;
  • Retard ou absence de réaction face à des alertes ;
  • Prélèvement de fonds sociaux à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société contrôlée par le dirigeant ;
  • Conclusion de contrats dans des conditions manifestements préjudiciables à la société ;
  • Prises de décisions contraires à l'intérêt social, par exemple en privilégiant ses intérêts personnels lors d'opérations importantes.

Fautes ne constituant pas une faute de gestion :

  • Ne pas avoir atteint certaines situations de chiffre d'affaires fixés ;
  • Maintien de charges salariales trop importantes si des efforts ont été faits pour réduire ces charges ;
  • Apport insuffisant de fonds propres lors de la constitution de la société ;
  • A noter : Depuis le 11 décembre 2016, la simple négligence ne suffit plus pour fonder cette responsabilité.

Par ailleurs la caractérisation d’une faute de gestion suppose également un lien de causalité avec l’insuffisance d’actif, même si la faute n’en est qu’une des causes.

La responsabilité ne peut être engagée que si l’insuffisance d’actif et la faute de gestion sont établies.

L’insuffisance d’actif ne peut ainsi être mise à la charge d’un dirigeant que s’il est démontré au préalable l’existence d’une faute de gestion ayant contribué à sa création.

Dès lors, sans faute de gestion commise ayant directement contribué l’insuffisance d’actif, le dirigeant n’encourt aucun risque.

2. Sanctions personnelles : La faillite personnelle & l'interdiction de gérer

Les sanctions personnelles désignent les mesures judiciaires prononcées à l’encontre des dirigeants de sociétés ou d’entreprises en difficulté (notamment faillite personnelle ou interdiction de gérer), qui ont pour effet de priver temporairement ou définitivement ces personnes de la possibilité d’exercer des fonctions de direction, de gestion, d’administration ou de contrôle dans une entreprise ou une personne morale.

Elles ne visent pas à punir au sens pénal du terme, mais à protéger l’ordre public économique en écartant de la vie des affaires ceux qui, par leurs actes, ont mis en danger la collectivité des créanciers ou le fonctionnement du marché.

Les principales sanctions personnelles prévues par le droit des procédures collectives sont :

La faillite personnelle :

Elle implique pour la personne condamnée une série d'incapacités et de déchéances empêchant notamment d’exercer diverses fonctions de direction, d’administration, de gestion ou de contrôle dans toute entreprise ou personne morale.

Elle s’accompagne de nombreuses déchéances et interdictions, notamment l’interdiction d’exercer certaines professions réglementées (notaire, huissier, avocat, etc.), la perte du droit de vote dans les assemblées des sociétés, la possibilité d’imposer la cession forcée des actions ou parts sociales détenues, et la suspension de certains droits liés aux décorations civiles ou militaires.

Elle entraîne également une incapacité d'exercer une fonction publique élective.

 

Exemple de fautes entraînant une mesure de faillite personnelle :

  • Tenue d’une comptabilité fictive, incomplète ou irrégulière ;
  • Dissimulation ou détournement d’actifs ;
  • Poursuite abusive d’une activité déficitaire dans son intérêt personnel ;
  • Non-déclaration de cessation des paiements ;
  • Perception ou maintien d’une rémunération excessive en cas de difficultés de la société.

L'interdiction de gérer

Elle prive la personne de la possibilité d’exercer des fonctions de gestion, d’administration ou de contrôle dans une entreprise ou une personne morale pendant un certain temps.

 

Dans les deux cas, les sanctions personnelles sont facultatives : le Tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation et peut choisir de ne pas les prononcer même si les conditions sont réunies.

Le Tribunal doit motiver la sanction tant sur le principe que sur la durée, en tenant compte de la gravité des fautes commises et de la situation personnelle du dirigeant.

La durée maximale est fixée à quinze ans.

3. Sanctions pénales : La banqueroute

Le dirigeant peut être poursuivi pénalement, notamment pour banqueroute, si certaines fautes graves sont établies, telles que :

  • Détournement ou dissimulation d’actif ;
  • Augmentation frauduleuse du passif ;
  • Tenue d’une comptabilité fictive ou irrégulière ;
  • Emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ou achats en vue de revente à perte, etc.

Les peines principales encourues sont de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (portée à 7 ans et 100 000 € pour les dirigeants d’entreprises d’investissement).

Conclusion

L’ouverture d’une procédure collective expose le dirigeant à des risques importants, non seulement sur ses biens personnels (action en responsabilité du passif), mais aussi sur sa capacité à diriger une entreprise à l’avenir (faillite personnelle, interdiction de gérer) et, en cas de comportements frauduleux ou gravement fautifs, à des poursuites pénales pouvant entraîner des peines d’emprisonnement et de lourdes amendes.

Les conditions d’engagement de la responsabilité varient selon la nature des faits reprochés et le type de société concernée, mais la jurisprudence et la loi encadrent strictement la mise en œuvre de ces sanctions.

L’initiative de ces poursuites appartient au liquidateur judiciaire ou au ministère public, au moyen d’une assignation précisant les griefs retenus contre le dirigeant. Celui-ci dispose d’un droit de défense effectif, en déposant des conclusions devant le tribunal compétent. La décision rendue pourra, le cas échéant, faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.


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