Le lexique des procédures collectives : Les différentes parties intervenant à une procédure collective
Ouvrir une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires suscite souvent une profonde inquiétude chez les dirigeants en difficulté, et ce d’autant plus qu’ils y sont généralement confrontés pour la première fois.
À cela s’ajoute la technicité du langage juridique propre au droit des entreprises en difficulté, pouvant accentuer ce sentiment d'inquiétude et d'incompréhension.
Mieux comprendre les notions clés du droit des entreprises en difficultés est ainsi essentiel afin d'anticiper les enjeux, mesurer les effets d’une procédure collective et conserver la maîtrise de son déroulement.
Ici, on fait le point sur les principaux acteurs d'une procédure collective, lesquels seront désignés par le Tribunal pour accompagner la société en difficulté.
Avoir une connaissance précise de ces acteurs et leur rôle permet de mieux comprendre le déroulement de la procédure collective afin de s'y préparer au mieux.
1. Le Débiteur
En droit des entreprises en difficulté, le débiteur est défini comme la personne physique ou morale rencontrant des difficultés financières entraînant l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
On désigne le débiteur, la société ainsi que le dirigeant faisant l’objet de la procédure collective.
2. L'Administrateur judiciaire
L’Administrateur judiciaire est un professionnel désigné par le Tribunal des activités économiques ou le Tribunal judiciaire pour assister ou représenter le débiteur dans la gestion de l’entreprise en difficulté.
Il est inscrit sur une liste nationale établie par le Ministère de la justice.
Il intervient dans le cadre de procédures judiciaires telles que la sauvegarde et le redressement judiciaire, et, de façon exceptionnelle, en liquidation judiciaire dans l’hypothèse d’une poursuite d’activité.
Il est désigné par le Tribunal et nommé dans le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
Selon la nature de la procédure, sa mission peut être différente.
- Dans le cadre de la procédure de sauvegarde :
L'Administrateur judiciaire a une mission de surveillance ou d'assistance dans la gestion de l'entreprise. - Dans la procédure de redressement judiciaire :
L'Administrateur judiciaire peut avoir une mission d'assistance ou d'administration complète. - Dans la procédure de liquidation avec mantien temporaire d'activité :
L'Administrateur judiciaire assure seul l'administration de l'entreprise.
La mission de surveillance :
La mission de surveillance consiste pour l’Administrateur judiciaire à surveiller les actes de gestion accomplis par le débiteur.
Dans ce cadre, le débiteur reste en principe en pleine possession de ses pouvoirs de gestion, mais il est soumis à un contrôle exercé par l’Administrateur judiciaire.
L’Administrateur, dans une mission de surveillance, doit s’assurer que le débiteur respecte ses obligations légales et contractuelles.
Le débiteur conserve cependant l’initiative et le pouvoir de décision sur la gestion de son entreprise.
La mission d'assistance :
La mission d’assistance est plus contraignante pour le débiteur que la mission de surveillance.
Dans ce cadre, l’Administrateur judiciaire intervient aux côtés du débiteur pour tous les actes de gestion ou certains d’entre eux, selon l’étendue de la mission fixée par le Tribunal.
L’Administrateur et le débiteur doivent généralement co-signer les actes de gestion visés par la mission d’assistance.
Contrairement à la mission de surveillance, la mission d’assistance réduit les pouvoirs du débiteur, qui ne peut pas agir seul pour les actes relevant de la mission de l’Administrateur judiciaire.
Cette mission nécessite une collaboration entre l'administrateur et le débiteur pour accomplir les actes relatifs à la gestion de l'entreprise et relevant de la mission définie par le Tribunal.
Par exemple :
- Le débiteur ne peut pas seul ouvrir une action en justice ou conclure une transaction sans l’accord de l’administrateur.
- Les comptes bancaires de l’entreprise doivent fonctionner sous la double signature de l’Administrateur et du débiteur.
La mission d'administration :
Dans le cadre d’une administration complète, l’Administrateur judiciaire est chargé par le Tribunal d’assurer seul, entièrement ou en partie, la gestion de l’entreprise. Cette mission est généralement décidée en cas de redressement judiciaire si le dirigeant présente une défaillance notable ou si l’entreprise est d’une taille importante.
Cela signifie qu'il prend en charge les décisions stratégiques et opérationnelles nécessaires à la gestion quotidienne de l'entreprise.
Caractéristiques principales de cette mission :
- Dessaisissement du débiteur : Le débiteur ou le dirigeant est totalement dessaisi de la gestion de l’entreprise lorsque l’Administrateur est investi d’une mission d’administration complète. Tous les actes de gestion sont alors accomplis par l’Administrateur.
- Étendue des pouvoirs de l’Administrateur judiciaire : L’Administrateur dispose de pouvoirs très larges, incluant la gestion des contrats en cours, les licenciements économiques, la cession d’actifs et, dans certains cas, la représentation de l’entreprise en justice.
- Nomination d’experts : Pour les entreprises dépassant certains seuils (20 salariés et 3 millions d’euros de chiffre d’affaires), le tribunal doit désigner des experts pour assister l’Administrateur dans sa mission.
Les pouvoirs de l'Administrateur judiciaire :
Les pouvoirs de l'Administrateur judiciaire dépendent de la mission qui lui est confiée, mais certains pouvoirs lui sont conférés par la loi, notamment :
- Poursuite des contrats en cours : L'Administrateur judiciaire peut exiger la poursuite des contrats en cours afin d'assurer la continuité de l'activité de l'entreprise.
- Gestion des licenciements : Pendant la période d'observation, l'Administrateur peut demander au Juge Commissaire l'autorisation de procéder à des licenciements économiques.
- Préservation des droits de l’entreprise : L'Administrateur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits et les actifs de l'entreprise, notamment en inscrivant des hypothèques ou des privilèges que le débiteur aurait négligé de prendre.
- Élaboration d'un plan de redressement ou de sauvegarde : L'Administrateur participe à l'élaboration du plan de redressement ou de sauvegarde de l'entreprise. Ce plan inclut des propositions sur les délais de paiement, les remises de dettes ou encore la restructuration de la société.
A noter : L’Administrateur défend les intérêts de l’entreprise et oeuvre pour la préservation et la pérennité de l’activité.
Son rôle n’est pas de défendre les intérêts du dirigeant de l’entreprise en difficulté, mais de sauvegarder l'activité.
3. Le Mandataire judiciaire
Le Mandataire judiciaire, anciennement appelé représentant des créanciers, est désigné par le Tribunal pour représenter les intérêts des créanciers dans une procédure collective.
Il est désigné par le Tribunal et nommé dans le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
Il est inscrit sur une liste nationale établie par le Ministère de la Justice.
Il est chargé de vérifier les créances, de surveiller la gestion du débiteur, et de veiller à la satisfaction des créanciers selon un ordre de priorité.
Lors de l’élaboration d’un plan de sauvegarde ou de redressement, le Mandataire judiciaire joue un rôle consultatif et participe aux discussions concernant les modalités de règlement des dettes. Il informe le Juge Commissaire et le Ministère public de l’avancement de la procédure.
Il intervient dans le déroulement de la procédure en intentant toute action en justice dans l’intérêt collectif des créanciers et notamment des voies de recours contre les décisions prises par le tribunal.
Dans le cadre d’une liquidation judiciaire :
Dans le cadre de l’ouverture d’une liquidation judiciaire, le Mandataire judiciaire occupe la fonction de Liquidateur.
Il exerce alors les droits patrimoniaux à la place du débiteur qui en est dessaisi.
Il est chargé de réaliser l'actif de l'entreprise (vente des biens) et de répartir le produit entre les créanciers selon les règles légales.
Il peut initier des sanctions professionnelles à l’encontre du débiteur qui, par ses erreurs de gestion ou ses actions malveillantes, a porté préjudice à ses créanciers et plus globalement au tissu économique (action en responsabilité pour insuffisance d'actif, action aux fins de voir prononcer une mesure d'interdiction de gérer ou de faillite personnelle).
A noter : Le Mandataire judiciaire défend uniquement les intérêts collectifs des créanciers. Il privilégie la solution permettant de désintéresser au mieux les créanciers.
4. Le Juge Commissaire
Le Juge Commissaire est une figure essentielle dans le cadre des procédures collectives.
Sa mission principale consiste à veiller à la rapidité du déroulement de la procédure et à la protection des intérêts en présence.
Il est désigné par le Tribunal et nommé dans le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
Le Juge Commissaire est en fonction pendant toutes les procédures mises en place et s’assure du bon déroulement de la procédure et de la protection des intérêts en présence.
Il recueille les informations des intervenants dont il arbitre les litiges.
Il contrôle les organes de la procédure, délivre des autorisations en matière de réalisation d’actif, arbitre les difficultés liées à la vérification du passif, les revendications et restitutions. Il désigne les contrôleurs et les éventuels techniciens.
Le Tribunal ne rend ses décisions qu’après avoir entendu le rapport du Juge Commissaire.
Les pouvoirs du Juge Commissaire :
Le Juge Commissaire dispose de nombreux pouvoirs qui s'articulent autour de plusieurs missions clés :
- Contrôle et coordination des acteurs de la procédure : Il supervise les mandataires de justice, comme l'Administrateur judiciaire, le Mandataire judiciaire ou le Liquidateur. Il peut proposer au Tribunal le remplacement des intervenants de la procédure collective.
- Statut juridictionnel : Le Juge Commissaire intervient sur les litiges relatifs aux créances, tels que l'admission ou le rejet des créances déclarées au passif du débiteur. Il statue également sur des demandes spécifiques, comme les revendications de biens ou les autorisations d'actes graves liés à la gestion de l'entreprise.
- Autorisation des actes de gestion importants : Le Juge Commissaire peut autoriser des actes graves, comme la vente d’actifs ou la réalisation de licenciements économiques.
- Missions d’information et de contrôle : Il est tenu informé par les autres intervenants de l'évolution de la procédure et peut exiger la communication de tous documents nécessaires.
Il prépare des rapports pour le tribunal sur l'évolution de la procédure, notamment dans les phases de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.
5. Le Contrôleur à la procédure
Dans le cadre d'une procédure collective (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaires), un contrôleur est un créancier désigné par le Juge Commissaire pour assister les organes de la procédure dans leurs missions.
La désignation d'un contrôleur n'est pas obligatoire et intervient uniquement sur demande d'un créancier lorsqu'il remplit certaines conditions.
Bien souvent, il s'agit d'un créancier souhaitant être impliqué dans le déroulement de la procédure collective.
Le Juge Commissaire peut désigner entre un et cinq contrôleurs parmi les créanciers qui en font la demande.
Les contrôleurs sont soumis à une obligation de confidentialité concernant les informations auxquelles ils ont accès.
Les contrôleurs jouent un rôle clé dans la procédure collective, en assistant les différents organes de la procédure et en veillant à la protection des intérêts collectifs des créanciers.
Le rôle du Contrôleur :
- Assistance et information :
Les contrôleurs assistent le Mandataire judiciaire dans ses fonctions de protection de l'intérêt collectif des créanciers, ainsi que le Juge Commissaire dans sa mission de surveillance de l'administration de l'entreprise.
Ils peuvent consulter tous les documents transmis au Mandataire judiciaire et à l'Administrateur, y compris les propositions de règlement de dettes, les bilans économiques et sociaux, et les projets de plans de sauvegarde ou de redressement.
- Défense de l'intérêt collectif des créanciers :
En cas de carence du Mandataire judiciaire, les contrôleurs peuvent agir dans l'intérêt collectif des créanciers, sous réserve de respecter certaines conditions, comme l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse pendant deux mois.
Pour certaines actions, il est nécessaire que plusieurs contrôleurs agissent ensemble, notamment pour engager des actions en responsabilité pour insuffisance d'actif ou pour banqueroute.
6. Le Représentant des salariés
Il s'agit d'une personne physique qui est désignée ou élue, dans les 10 jours suivant le jugement d’ouverture d’une procédure collective, parmi les salariés pour représenter l’ensemble de ceux-ci au cours de cette procédure.
Dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, le Comité social et économique désigne ou, à défaut de comité, les salariés élisent par un scrutin uninominal à un tour, un représentant parmi eux. Lorsqu’aucun représentant ne peut être désigné ou élu, le chef d’entreprise établit un procès-verbal de carence.
Ce représentant est chargé d’aider le Mandataire judiciaire à dresser l’état des créances résultant d’un contrat de travail. À cet effet, le Mandataire judiciaire lui soumet, pour vérification, les relevés des créances salariales et leur justification. Ce salarié est tenu à une obligation de discrétion sous peine de sanction disciplinaire.
Le Représentant des salariés reçoit communication de divers documents pour lesquels son avis est sollicité et se présente aux audiences en Chambre du conseil sur convocation du Tribunal lorsque la loi prévoit sa comparution.
Il est également consulté sur les offres de reprise déposées dans le cadre d’un processus de cession de l’entreprise.
7. Les Organes de la procédure
Les organes de la procédure collective sont l’ensemble des acteurs désignés par le Tribunal des activités économiques ou le Tribunal judiciaire pour superviser et coordonner les différentes étapes des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Sont considérés généralement comme les organes de la procédure :
- L'Administrateur judiciaire.
- Le Mandataire judiciaire / Mandataire judiciaire Liquidateur.
- Le Juge Commissaire.