Le lexique des procédures collectives : Les notions clés à connaître avant l'ouverture d'une procédure collective
Ouvrir une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires suscite souvent une profonde inquiétude chez les dirigeants en difficulté, et ce d’autant plus qu’ils y sont généralement confrontés pour la première fois.
À cela s’ajoute la technicité du langage juridique propre au droit des entreprises en difficulté, pouvant accentuer ce sentiment d'inquiétude et d'incompréhension.
Mieux comprendre les notions clés du droit des entreprises en difficultés est ainsi primordial afin d'anticiper les enjeux, mesurer les effets d’une procédure collective et conserver la maîtrise de son déroulement.
Ici, on fait le point sur les notions essentielles à connaître du droit des entreprises en difficulté.
Actif disponible
L'actif disponible se compose des éléments immédiatement mobilisables par l’entreprise pour faire face à ses dettes exigibles.
Ces actifs doivent être liquides ou facilement convertibles en liquidités.
L'actif disponible inclut notamment :
- La trésorerie en caisse et en banque.
- Les découverts bancaires autorisés, facilités de caisse et lignes de mobilisation Dailly non dénoncées par la banque.
- Les avances en compte courant d'associés non bloquées ou dont le remboursement n'a pas été réclamé.
- Un chèque de banque émis en faveur de l'entreprise, même s'il n'est pas encore encaissé.
- La trésorerie provenant de fonds d'investisseurs, dès lors qu'elle a été utilisée pour régler des dettes exigibles, même si elle n'était pas initialement destinée à cet usage.
Sont exclus de l'actif disponible :
- Les biens mobiliers ou immobiliers, même en vente ou susceptibles d'être réalisés à court terme.
- Les créances à recouvrer, sauf si elles sont aisément et rapidement recouvrables dans des circonstances exceptionnelles.
- Les participations dans des filiales non immédiatement mobilisables.
L’actif disponible est l’une des deux composantes de l’état de cessation des paiements et doit être comparé au passif exigible.
Admission d'une créance au passif
L'admission au passif d’une société faisant l’objet d’une procédure collective correspond à la reconnaissance officielle, par le Juge Commissaire, de l'existence, du montant et de la nature d'une créance déclarée par un créancier.
C’est le montant total du passif définitivement admis par le Juge Commissaire qui sera pris en compte pour analyser la possibilité que l’entreprise présente un plan de redressement ou de sauvegarde.
Cessation des paiements
La cessation des paiements est définie comme l'impossibilité pour une entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Cette situation est une condition nécessaire pour l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires. A l’inverse, lors de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, la société ne doit pas être en état de cessation des paiements.
Créanciers
Les créanciers de l’entreprise sont l’ensemble des personnes physiques et morales détenant une créance à l’encontre de la société en difficulté (autrement dit, ce sont l’ensemble des personnes physiques et morales à qui la société en difficulté doit de l’argent).
Dans le cadre d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires), les créanciers sont classés en différentes catégories, chacune ayant des droits spécifiques et un ordre de priorité lors du règlement des dettes.
La distinction principale repose sur la nature des créances et les privilèges attachés à chacune.
- Les créanciers chirographaires :
Les créanciers chirographaires sont ceux qui ne disposent d'aucune garantie particulière (sûreté réelle ou privilège) pour assurer le paiement de leur créance. Ils sont considérés comme les créanciers ordinaires et interviennent en dernier rang dans le cadre de la répartition de l'actif disponible après satisfaction des créanciers privilégiés.
Les créanciers chirographaires peuvent inclure des fournisseurs, des partenaires contractuels ou toute personne ayant une créance non garantie vis-à-vis de l'entreprise en difficulté.
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Les créanciers privilégiés :
Les créanciers privilégiés bénéficient d'un droit de priorité pour le paiement de leurs créances.
Les créanciers privilégiés sont payés avant les créanciers chirographaires selon un classement précis prévu à l'article L. 643-8 du Code de commerce.
Ce privilège peut être général ou spécial :
- Créanciers bénéficiant d’un privilège général : Ils incluent les créances sociales (Urssaf, caisses de retraite, etc.) et les créances fiscales, qui doivent être payées avant les créanciers chirographaires dans une procédure collective.
- Créanciers bénéficiant d’un privilège spécial : Ces créances concernent des biens spécifiques, comme les créanciers hypothécaires ou gagistes, qui disposent d’un droit de préférence sur la vente d’un bien grevé. Les plus connus sont le privilège du vendeur d’immeuble, privilège du prêteur de deniers, privilège du bailleur.
- Les créanciers hypothécaires ou titulaires de sûretés réelles :
Ces créanciers détiennent des garanties sur des biens de l’entreprise (hypothèque, nantissement, gage, etc.). Ils sont payés en priorité sur le produit de la vente des biens grevés par leur sûreté.
En cas de concours entre plusieurs créanciers munis de sûretés, l’ordre de priorité est déterminé par la date d’inscription de la sûreté ou par des règles spécifiques du Code civil et du Code de commerce.
Créances antérieures et postérieures
Les créanciers peuvent également être classés selon la date de naissance de leurs créances par rapport au jugement d’ouverture de la procédure collective :
- Créanciers antérieurs : Ce sont les créanciers dont les créances sont nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. Ces créances doivent faire l'objet d'une déclaration dans un délai fixé par le Code de commerce, sous peine d'inopposabilité à la procédure collective.
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Créanciers postérieurs : Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective sont généralement payées à l'échéance lorsqu’elles sont considérées comme utiles.
Certaines d'entre elles peuvent bénéficier d'un privilège de paiement, notamment lorsqu'elles résultent d’un apport en trésorerie ou d’une prestation fournie au débiteur pendant la période d’observation ou d’une créance née pour les besoins de la période d’observation.
En cas d’absence de caractère utile, les créances postérieures non élues seront traitées de la même manière que les créances antérieures.
Déclaration de cessation des paiements
Acte par lequel le débiteur informe le Tribunal qu'il est dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Cette déclaration doit intervenir dans un délai de 45 jours suivant la cessation des paiements (Article L. 631-1 du Code de commerce).
Il s'agit d'une obligation légale.
Le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements constitue une faute de gestion.
Déclaration de créance
La déclaration de créance est une formalité imposée à tout créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires), ou, dans certains cas, pour des créances postérieures spécifiques, afin que sa créance soit prise en compte dans le passif du débiteur et qu'il puisse participer aux distributions et dividendes de la procédure collective.
La déclaration de créance a pour objet d’informer le mandataire judiciaire, le liquidateur ou l’administrateur du montant, de la nature et des caractéristiques de la créance. Elle doit comporter des mentions obligatoires, notamment :
- le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture,
- l'indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances,
- la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie,
- ainsi que, en l’absence de titre, les éléments de preuve de l’existence et du montant de la créance, ou, à défaut, une évaluation de celle-ci si son montant n’a pas encore été fixé
Le délai de déclaration est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
A défaut de déclaration, la créance ne sera pas comptabilisée au passif de la société faisant l'objet de la procédure collective et ne fera pas l'objet d'un remboursement dans le cadre d'un éventuel plan de sauvegarde ou de redressement.
Gel du passif & Suspension des poursuites individuelles
Le gel du passif est une conséquence directe de l’ouverture d’une procédure collective, qui interdit le paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture.
Le gel du passif recouvre plusieurs effets juridiques majeurs, parmi lesquels :
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Suspension ou interdiction des actions individuelles : Les créanciers ne peuvent pas engager ou poursuivre des actions en justice pour obtenir le paiement de leurs créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective. Cela inclut les demandes de condamnation au paiement d'une somme d'argent ou la résolution d'un contrat pour défaut de paiement.
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Arrêt des voies d’exécution : Les créanciers ne peuvent plus engager de mesures d’exécution (saisies, etc.) sur les biens du débiteur pour les créances antérieures à la procédure collective.
Quels sont les objectifs de telles mesures ? :
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Préservation de l’égalité entre créanciers : Il vise à éviter que certains créanciers ne soient payés au détriment des autres, garantissant ainsi une répartition équitable des actifs disponibles.
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Sauvegarde de l’entreprise : En suspendant les paiements et poursuites, on donne à l’entreprise un temps pour restructurer ses dettes, retrouver une viabilité économique ou à défaut, préparer une liquidation ordonnée.
In bonis
Expression latine qui littéralement signifie en bonne santé, et qui juridiquement signifie qu'une entreprise est solvable. A contrario, en procédure collective, l'entreprise n'est pas considérée comme in bonis puisque le débiteur est surveillé, assisté ou remplacé, voire son entreprise liquidée, sous contrôle du Juge Commissaire.
Jugement d'ouverture
Le jugement d’ouverture est la décision du Tribunal de Activités Economiques ou du Tribunal judiciaire (selon qu’il s’agisse d’une société civile ou commerciale) ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.
Par ce jugement, le Tribunal désigne les organes de la procédure (le Juge Commissaire, l’Administrateur judiciaire et le Mandataire judiciaire) et ouvre une période d’observation.
Le Tribunal statue après avoir entendu le débiteur et, s’il y en a, les représentants du personnel. Il peut aussi entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.
Le Tribunal qui ouvre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires doit obligatoirement fixer la date de cessation des paiements, après avoir sollicité les observations du débiteur. À défaut, cette date est réputée être celle du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Il est à noter que la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture n’est pas définitive : elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure sur demande de l’Administrateur judiciaire, du Mandataire judiciaire, du Ministère public ou du Liquidateur.
Passif exigible
Le passif exigible est une notion centrale dans l’appréciation de l’état de cessation des paiements, condition préalable à l’ouverture d’une procédure collective.
Le passif exigible comprend :
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Toutes les dettes certaines, liquides et exigibles au jour de l’appréciation, c’est-à-dire des dettes échues, non contestées, qui n’ont fait l’objet ni de moratoires (délais de paiement accordés), ni de facilités de paiement accordées par le créancier.
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Peu importe que le paiement n’ait pas été effectivement exigé par le créancier, tant que la créance est arrivée à échéance et que le débiteur n’a pas obtenu de délai pour la régler.
Ne sont pas prises en compte dans le passif exigible :
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Les dettes ayant fait l’objet d’un moratoire (délai de paiement) ou d’une facilité de paiement accordée par le créancier.
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Les créances contestées par le débiteur, appelées « créances litigieuses », c’est-à-dire celles dont le principe ou le montant sont discutés devant une juridiction compétente.
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Les dettes non arrivées à échéance.
Cas particulier des créances fiscales :
Les créances fiscales sont incluses dans le passif exigible, sauf si elles ont été formellement contestées devant le juge de l’impôt selon les modalités prévues par le Livre des procédures fiscales.
Moment de l’appréciation :
L’état du passif exigible doit être apprécié à la date à laquelle le juge statue sur l’ouverture de la procédure collective, exception faite du passif rendu exigible du seul fait du jugement d’ouverture.
Période d'observation
La période d'observation est une phase essentielle ouverte par le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, durant laquelle :
- les difficultés rencontrées par la société faisant l'objet de la procédure collective sont diagnostiquées, et
- les possibilités de préserver l'activité, l'emploi et de payer le passif sont examinées, dans le but de préparer un plan de sauvegarde ou de redressement.
Durant la période d'observation, le débiteur poursuit son activité, sous la surveillance ou l’assistance d’un Administrateur judiciaire.
En sauvegarde, la durée de la période d'observation est en principe de 6 mois, renouvelable une fois pour la même durée par décision motivée du Tribunal à la demande du débiteur, de l'Administrateur judiciaire ou du Ministère public, soit une durée maximale totale de 12 mois.
En redressement judiciaire, une prolongation exceptionnelle de 6 mois supplémentaires peut être accordée à la demande du Ministère public, portant la durée totale à 18 mois.
Période suspecte
Période qui s'étend entre la date de cessation des paiements fixée par le Tribunal et la date du jugement ouvrant une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire).
Pendant cette période, certains actes accomplis par le débiteur peuvent être annulés ou frappés de nullité car considérés comme ayant favorisé certains créanciers ou organisé son insolvabilité.